Je ne pourrai jamais m'amuser les dimanches, car je n'arrive pas à oublier que le lendemain j'ai école.

Je m'appelle Vincent, j'ai pas choisi, c'est ma mère qui m'a appelé comme ça avant de mourir.
J'aime bien. Il y a des gens qui ont eu une enfance malheureuse, et d'autres plus chanceux. Moi je sais pas trop, d'un côté j'ai grandi dans un orphelinat, de l'autre côté je m'en échappais chaque soir pour aller découvrir le monde. Parce que je vous ai pas dit mais quand j'étais petit, j'avais des ailes aux pieds. Je l'ai jamais dit à personne, parce que personne ne m'aurait cru, d'ailleurs les médecins l'ont même pas noté à la naissance alors si des gens qui ont fait plein d'études ne veulent pas y croire en m'ayant vu tout nu je me fais pas d'illusions sur les autres qui n'ont vu que mes chaussettes.
Maintenant je les ai plus.
Madame Lise dit que c'est parce que je grandis, on vole moins haut au fur et à mesure. C'est la seule à qui je l'ai dit en fait je crois. Parce qu'elle a toujours été gentille avec moi, et que je savais qu'elle rigolerait pas. Elle me regardait juste d'un air fasciné et notait des fois des choses sur un papier. Les autres enfants me laissaient relativement tranquilles et voulaient pas trop jouer avec moi, ils disaient que j'étais bizarre; et j'suis content qu'ils m'aient laissé tranquille. J'aimais pas leurs jeux. Ils jouaient à la guerre. En gros vous preniez des batons, vous visiez quelqu'un avec et vous criiez "Pan pan" et l'autre faisait semblant d'être mort. C'est horrible comme jeu, faire semblant de prendre la vie à des gens. Ils m'effrayaient avec ces trucs. Et puis les autres étaient méchants. Si vous faisiez quelque chose qui ne leur plaisait pas, ils rigolaient et vous embêtaient sans arrêt. Dans ces moments là je me réfugiais dans un coin de la cour de l'orphelinat et je fermais les yeux très forts pour que mes ailes se mettent à battre et m'emmènent loin d'ici. Des fois ça marchait et je me retrouvais dans un monde rempli de lions en costumes qui fumaient doucement la pipe en parlant de philosophie avec des hippopotames en tenue de soirée, des mondes souterrains immenses à explorer et des insectes géants avec qui je pouvais faire des courses. Je revenais souvent dans le vrai monde dans un lit. Il y avait madame Lise qui me regardait d'un air bienveillant et des fois des tas d'autres monsieurs que je ne connaissais pas qui écrivaient dans des carnets aussi. Et les enfants avaient un peu peur de moi dans les jours qui suivaient, un garçon qui vole c'est pas courant c'est vrai.

Maintenant je ne les ai plus. Madame Lise dit que c'est parce que j'ai grandi. Je m'élève un petit peu du sol, d'un mètre ou deux mais c'est tout. Et les autres ont toujours peur de moi, alors qu'il n'y a pas de raison, je ne vole plus assez haut pour franchir le mur d'enceinte de mon nouvel orphelinat.

0 bout(s) de trucs:

Enregistrer un commentaire